Fin de siècle en demi-teinte
Son nouveau projet est Mars Attacks!. Jonathan Gems, collaborateur de
Burton depuis Batman, également scénariste et auteur de pièces de
théâtre, rédige un scénario basé sur un jeu de cartes représentant des
martiens et des dinosaures. Burton donne volontairement à son film un
aspect ringard, dans le style des films de science-fiction à petit
budget des années 1950. Très éloigné du style gothique, expressionniste
ou même coloré (Pee-Wee Big Adventure, Beetlejuice) qu'on lui connaît,
la griffe de Burton se reconnaît à son humour. Ce sont des enfants qui
sauvent la planète des envahisseurs pendant que le président fait face
à des journalistes qui se demandent si les martiens ont un sexe. C'est
une version surprenante de La Guerre des mondes de H.G. Wells. Malgré
une pléiade de stars, le film n'emballe ni la critique, ni le public
qui lui préfère Independence Day, film traitant du même sujet mais sur
un ton plus dramatique, et à grands coups d'effets spéciaux.
Néanmoins, ce deuxième échec commercial a un point positif : le retour
de Danny Elfman à la musique. Burton a expliqué les raisons de cette
brouille : « Danny, Henry Selick et moi nous disputions souvent sur le
plateau de L'Étrange Noël de Monsieur Jack, à cause des chansons de
Danny. Caroline Thompson et moi devions sans arrêt réaménager le
scénario pour les insérer. On s'est tous conduits comme des gamins.
Mais de ne pas nous voir pendant un certain temps nous a fait du bien à
tous les deux. » Les deux artistes ne se quitteront plus. Burton a
retrouvé son pendant musical.
On lui propose de réaliser un nouvel épisode de Superman, avec Nicolas
Cage dans le rôle principal, plus axé sur la psyché du personnage.
Burton accepte mais après un an de travail, le projet nommé Superman
Lives est interrompu au printemps 1998. Sa seule consolation est la
publication de La triste fin du petit enfant huître et autres
histoires, son recueil de dessins et de poèmes. Il se voit également
proposer de nombreux projets parmi lesquels une nouvelle adaptation de
la nouvelle d'Edgar Allan Poe, La chute de la maison Usher, et Sweeney
Todd : Le diabolique barbier de Fleet Street, la comédie musicale de
Stephen Sondheim. Ce dernier projet va mettre dix ans à aboutir.
Il se retrouve pleinement dans le scénario de Sleepy Hollow : ambiance
sombre et gothique, cadavres décapités en série, humour noir, démon
sans tête… Kevin Yagher, responsable des effets spéciaux de la série
Les Contes de la crypte, s'associe avec Andrew Kevin Walker, auteur du
scénario de Seven, pour adapter la nouvelle éponyme de Washington
Irving. Le tournage se fait en Angleterre, et plusieurs collaborateurs
de Batman sont sollicités. Toujours peu enclin aux effets spéciaux
numériques, qui sont limités au strict minimum pour un film de ce
genre, Burton concentre toute l'attention de son équipe artistique sur
les décors, allant jusqu'à réaliser lui-même certains arbres de la
forêt. Appuyé par Johnny Depp, Christina Ricci, Michael Gough,
Christopher Lee et Christopher Walken dans le rôle du cavalier sans
tête, le cinéaste renoue avec le succès critique et commercial, malgré
la classification R (interdit aux moins de 17 ans non accompagnés d'un
adulte) États-Unis. Il déclare à ce propos: « en tournant Sleepy
Hollow, j'ai pensé à mes réactions de spectateur enfant: je détestais
que l'on me ménage, je voulais être confronté aux images, si dures
soient-elles. Je me souviens de mes cris lorsque j'ai vu Le masque du
démon de Mario Bava. Crier était pourtant une des manières les plus
rassurantes d'avoir peur puisque le film était une fantaisie». Elfman
compose pour l'occasion une musique sombre et torturée. Sorti en 1999,
le film semble être un récapitulatif de l'oeuvre de Burton :
citrouille, humour noir, ambiance gothique, moulin en feu, légende
médiévale démoniaque…